ALCAMÈNE

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ALCAMÈNE

ALCAMÈNE (actif 2e moitié \ALCAMÈNE Ve s.)

Alcamène est un sculpteur, très probablement athénien, actif surtout à Athènes durant la seconde moitié du \ALCAMÈNE Ve siècle. Une anecdote recueillie par le compilateur byzantin Tsétzès (Chiliades , VIII, 340-346) le montre en compétition avec Phidias pour la réalisation d’une statue d’Athéna placée au sommet d’une colonne — et surclassé par celui-ci, qui avait pris en compte les déformations optiques. Une autre anecdote, rapportée par Pline l’Ancien (XXXVI, 17), évoque une compétition avec Agoracritos pour une statue d’Aphrodite, compétition remportée par Alcamène à cause du chauvinisme des Athéniens qui le préférèrent à son rival originaire de Paros.

Les textes et les inscriptions nous font connaître plus d’une dizaine de ses œuvres, qui sont toutes, sauf la statue en bronze d’un vainqueur de pentathlon (Pline l’Ancien, XXXIV, 72), des images divines: Hermès Propylaios aux Propylées de l’Acropole (Pausanias, I, XXII, 8); Hécate Epipyrgidia dans le sanctuaire d’Athéna Niké de l’Acropole (Paus., II, XXX, 2); Procné et Itys, groupe dédié par Alcamène sur l’Acropole, et que Pausanias a vu entre le Parthénon et l’Érechthéion (I, XXIV, 3); les statues en bronze d’Athéna et d’Héphaïstos du pseudo-Théséion qui domine l’agora d’Athènes (Cicéron, De natura deorum , I, 30; Valère-Maxime, VIII, 11, ext. 3; Inscriptiones Graecae , Ier vol., 2e éd., 1, 371); la statue d’Arès dans son sanctuaire athénien (Paus., I, VIII, 4); la statue chryséléphantine de Dionysos du temple jouxtant le théâtre au flanc sud de l’Acropole (Paus., I, XX, 3); une statue d’Héra dans un temple situé entre Athènes et le Phalère et saccagé plus tard par les Perses; l’Aphrodite des Jardins pour un sanctuaire hors les murs (Paus., I, XIX, 2; Lucien, Imagines , 4 et 6), œuvre célèbre à laquelle Pline l’Ancien (XXXVI, 16) prétend que Phidias aurait mis la dernière main; les statues colossales, en marbre pentélique, d’Athéna et d’Héraclès de l’Héracléion de Thèbes, commande de Thrasybule et des démocrates athéniens après leur victoire sur les Trente en 403 (Paus., IX, XI, 2); enfin une statue d’Asclépios à Mantinée (Paus., VIII, VIII, 1).

De toutes ces œuvres, seul le groupe de Procné et Itys nous est parvenu, assez gravement mutilé (musée de l’Acropole, Inv. 1338 + 2789). Encore n’est-il pas certain qu’il s’agisse là d’une œuvre d’Alcamène: cette dédicace d’un Alcamène — nom fréquent à Athènes — est-elle bien la statue qui nous est parvenue? Cette statue est-elle même un original? Pour se faire une idée du style d’Alcamène, il serait donc préférable de s’en remettre aux deux copies de l’Hermès Propylaios (de Pergame, au musée d’Istanbul, Inv. 1433; d’Éphèse, au musée Basmahane de Smyrne, Inv. 675), dont les inscriptions gravées sur le fût indiquent que ce sont des copies de l’original d’Alcamène. Toutefois, il s’agit là d’une œuvre d’un genre très particulier: ces piliers, disposés aux carrefours ou aux passages, portent une tête barbue d’Hermès dont le type s’est fixé à la fin de l’époque archaïque, en sorte qu’il ne permet guère à la personnalité d’un artiste de s’exprimer librement. Il est significatif pourtant que la synthèse entre le goût classique et la tradition archaïque réalisée par Alcamène ait eu le grand succès qu’attestent les copies très nombreuses de cette œuvre. Alcamène se trouve ainsi l’initiateur du courant archaïsant qui réapparaît de loin en loin dans l’art grec depuis la fin du \ALCAMÈNE Ve siècle. Il semble que la triple Hécate du bastion d’Athéna Niké ait présenté elle aussi des traits archaïsants, si l’on en juge par la meilleure copie qui en dérive.

Ce recours volontaire à des formes du passé a bien pu être l’un des traits essentiels de l’art d’Alcamène, ce qui expliquerait la faveur dont il semble avoir joui dans l’Athènes incertaine du dernier tiers du \ALCAMÈNE Ve siècle, secouée par l’interminable guerre contre Sparte (\ALCAMÈNE 431-\ALCAMÈNE 404): après le point d’équilibre classique atteint sous l’égide de Périclès, l’art attique post-phidiesque se partage en deux tendances déjà latentes dans les sculptures du Parthénon: une tendance ionisante, voire maniériste, représentée par Agoracritos puis Callimachos, qui pousseront jusqu’à l’affectation les effets formels créés à l’Acropole, et une tendance conservatrice, plus encline à se replier sur l’acquis, dont Alcamène a dû être le chef de file. Malheureusement, sauf l’Arès Borghèse du Louvre (Inv. 866), qui ne lui est plus guère contesté, aucune de ses statues de culte n’est à coup sûr repérée parmi les copies qui nous sont parvenues d’œuvres de cette époque. Quant à sa sculpture la plus célèbre, l’Aphrodite des jardins , elle nous échappe toujours, malgré l’ingéniosité des efforts déployés pour en percevoir l’écho. Dès lors, les attributions modernes non fondées sur des textes, comme celle du fronton est et de la frise du Parthénon par H. Schrader ou des Caryatides de l’Érechthéion par B. Schröder ne sauraient être que des hypothèses plus ou moins séduisantes, dont il faut se garder.

Pour Alcamène, comme pour la plupart des plus grands maîtres de l’art grec, nous en sommes finalement réduits à nous fonder sur des jugements rapides, émis au détour d’un raisonnement ou d’une anecdote, par des auteurs de l’Antiquité tardive: Quintilien (XII, X, 7-9) estime qu’Alcamène et Phidias, qu’il nomme ensemble, ont possédé précisément ce qui fit défaut à Polyclète, cette ampleur de conception et cette gravité de style (pondus ) qui ont fait d’eux par excellence des créateurs d’images divines, tandis que Polyclète était plus à l’aise dans la représentation du corps athlétique. Ainsi, au moment même où la pensée attique, sous l’influence des sophistes, attisée par les bouleversements sociaux et politiques de la guerre, s’éloigne des conceptions religieuses qu’avait exprimées le théâtre tragique, Alcamène, jusqu’à la fin du siècle, assume l’héritage de Phidias et s’impose comme le dernier grand agalmatopoios (créateur de statues de culte) du \ALCAMÈNE Ve siècle attique, dont l’art résume en quelque sorte l’évolution.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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